Poésie, philosophie et politique
Dans les odes érotiques, Horace conjugue exaltation de la passion et morale de l’amour, élaborant une poétique tout à fait originale : il chante la puissance et les beautés du désir, mais n'en invite pas moins les jeunes filles à se marier, les matrones à être fidèles, les jeunes gens à se contrôler et les vieilles femmes à renoncer à l’amour. Il rompt ainsi avec la tradition qui le précède, de Sappho aux élégiaques latins en passant par Anacréon, Alcée ou Catulle. Pour comprendre cette intrusion de la morale dans le domaine érotique, il faut tenir compte de tout ce qui fonde la poétique d’Horace dans les Odes : l’ambition de devenir une voix de la cité, la nécessité de dire son adhésion au nouveau régime, mais aussi l’intérêt pour la philosophie, y compris l’Académie, dont on sous-évalue l’importance dans son œuvre. Les enjeux moraux sont cependant indissociables des choix poétiques. C’est en poète qu’Horace se fait philosophe, jouant sur la coïncidence de certains motifs proprement lyriques avec une morale d’origine philosophique. C’est également en poète qu’il réconcilie l’exaltation de la passion et la morale, grâce à un jeu sur les genres, les formes et leur pragmatique.
Bénédicte Delignon éclaire la manière dont se tissent, dans les Odes, l’inspiration érotique, le substrat philosophique, le contexte politique et les choix poétiques de celui qui se regarde comme l’inventeur de la lyrique latine.